Dialogue avec un curieux…

(La scène a lieu sur la page d’accueil d’un site internet. Quelqu’unS sont là, entourés de valises. Quelqu’un d’autre passe et engage la conversation.)

Le curieux   >   Toujours sur les routes ?

Quelqu’unS >   Le plus possible.

Le curieux >   Pour voir du pays ?

Quelqu’unS >   Pour voir des gens et du pays. Pour que ça circule.

Le curieux >   Quoi ?

Quelqu’unS >   Les idées, les rêves, les émotions. La vie, les avis, les envies.

Le curieux >   Vous êtes une entreprise de transports ?

Quelqu’unS >   On fabrique d’abord, on transporte après.

Le curieux >   Des valises?

Quelqu’unS >    Des spectacles, des lectures, des campements.

Un curieux >   Pour qui?

Quelqu’unS >   Pour tout le monde : adultes, vieillards, parents, enfants…

Le curieux >   Les enfants, c’est un peu facile…

Quelqu’unS >   Vous trouvez ? Demain, c’est tout de même eux qui vont inventer le monde.

Le curieux >   Ils n’en savent rien et c’est tant mieux…

Quelqu’unS >   Ils le savent très bien, au contraire. Il faut juste les aider à ne pas l’oublier.

Le curieux >   Et vous croyez vraiment qu’avec des spectacles…

Quelqu’unS >   Oui. L’art, c’est fait pour ça. Pour déclencher. Réveiller. Éclairer. Soigner. C’est pour ça aussi que ça demande le plus grand soin.

Le curieux >   C’est plutôt sérieux…

Quelqu’unS >   Drôlement sérieux, oui. Et sérieusement drôle, aussi.

Le curieux >   Vous aimez bien les paradoxes…

Quelqu’unS >   Les contrastes, plutôt. Le grave et le léger. La musique et le silence. Les papillons et les baleines. La vie et la mort…

Le curieux >   Vous ne parlez quand même pas de la mort aux enfants ?

Quelqu’unS >   Si. Entre autres. Ça les intéresse énormément, la mort. Pas vous ?

Le curieux >   C’est-à-dire…

Quelqu’unS >   Vous avez raison, c’est à dire. À lire à haute voix. À chanter. À partager. Comme tout le reste. 

Le curieux >   Il faut trouver les mots justes…

Quelqu’unSIl suffit de faire appel aux poètes, c’est leur métier.

Le curieux >   La poésie, moi je trouve ça difficile.

Quelqu’unS >   C’est difficile à expliquer, mais pas à entendre. C’est comme la musique. Si tu ouvres les bonnes oreilles,  ça rentre et ça fait du bien.

Le curieux >   Vous me dites tu, maintenant ?

Quelqu’unS >   C’était le tu du pluriel. C’est pas parce qu’on n’est pas n’importe qui qu’on est les seuls à être quelqu’un, vous trouvez pas ?

Le curieux >   Pardon ?

Quelqu’unS >   Ne vous excusez pas, y a pas de mal à être curieux…  Vous venez ?

(Quelqu’unS invitent le curieux à les suivre dans une valise, ce qu’il fait sans tarder.)